Pionnier de l’éducation juive en France
Le vaillant Rav Issachar-Dov Gurevitch (ZTS"L) nous a quittés
Le premier jour de Pessa’h, celui qui dirigea pendant plus de 50 ans l’école Beth Rivka s’est éteint, léguant à ses enfants ainsi qu’à des milliers de familles juives à travers le monde, nourries de son enseignement, un héritage édifié par la souffrance, l’abnégation et le dévouement pour autrui.
À notre époque paisible, le cursus initiatique que parcourent ceux et celles qui sentent vibrer en eux la fibre de l’éducation est soyeux, paisible et sans écueil. La vocation de celui que nous pleurons ici est d’une autre étoffe, édifiée qu’elle fut dans la souffrance et le sacrifice.
Rav Issachar-Dov Halevi Gurevitch est né en 1917 dans une Russie que l’hydre bolchévique – dont il était appelé à goûter la férule – allait recouvrir d’une chape de plomb.
C’est dans une atmosphère pleine de périls que commença l’éducation juive de celui qu’on appelait familièrement “Reb Ber’l”. Durant dix ans, il passa de l’une à l’autre des antennes clandestines de la Yechivah “Tomhei Tmimim Loubavitch” fondée par Rabbi Chalom Dovber Schneerson dans la ville éponyme en 1897. Des années noires pour le judaïsme soviétique, car la moindre activité religieuse était sauvagement réprimée.
C’est en 1938, lorsqu’il enseignait à une classe d’une antenne situé à Berditchev que la terreur policière l’atteignit pour la première fois. Ses élèves furent envoyés dans un orphelinat et Reb Ber’l fut incarcéré pendant près d’un an. De ces moments de détresse et de privations il confia plus tard : « Nous n’avions pas conscience de nous sacrifier pour la Torah et pour le judaïsme. Pour nous c’était tout au plus une chose regrettable qui nous était survenue du fait que nous avions démérité de l’étude… »
Mais l’élargissement de Reb Ber’l ne sonna pas la fin de ses tourments. Lorsqu’éclata la seconde Guerre mondiale, il fut enrôlé pour 2 ans dans l’Armée rouge et dut à un miracle de survivre à une blessure reçue lors d’une bataille. À l’issue de la guerre, c’est à un nouveau miracle qu’il dut d’échapper à 2 ans de régiment supplémentaires qu’on lui avait imposés.
Le pire était encore à venir. En 1946, il épousa Hanna Pozner et quelques mois aprés, le jeune couple – dans le cadre d’un accord permettant aux ressortissants polonais de quitter l’Union soviétique – s’associa à plusieurs familles juives (munies de faux papiers) pour traverser la frontière polonaise. Son épouse était en possession de ses papiers et Reb Ber’l était censé obtenir les siens au cours du voyage. Mais au moment de passer la frontière, les papiers n’étaient pas arrivés et Reb Ber’l fut extrait du train devant sa jeune épouse, après 4 mois de mariage. Cette séparation devait durer deux ans que Reb’ Ber’l passa dans un camp de travail dans d’indicibles souffrances, comme par exemple celle de ne rien prendre en bouche pendant Pessa’h… pas même de l’eau… car les fonds des récipients portaient des traces de graines…
Une heureuse providence – un nouvel accord russo-polonais très épisodique – fit que Reb Ber’l fut libéré et reconduit à la frontière polonaise. De là-bas il rejoignit son épouse qui avait atteint Paris.
En 1953, le Rabbi de Loubavitch demanda à Reb Ber’l de prendre la direction de l’école de jeune filles Beth Rivka située à Yerres. Le grand épisode de sa vie s’engagea pour les cinquante années à venir qui allaient épanouir la sève puisée dans le sacrifice de soi. Si les « anciennes de Beth Rivka » se comptent aujourd’hui par milliers à travers la planète – voire se rejoignent sur Facebook – le défi d’alors était immense. Les jeunes filles étaient pour la plupart issues de familles de rescapés et ensuite,de réfugiés du Maroc ou autres avec lesquelles elles n’avaient quasiment pas de lien pendant les 6 à 8 ans qu’elles passaient dans l’institution. Reb Ber’l et son épouse s’investirent alors corps et âme pour leur assurer une éducation juive rigoureuse, et leur bienveillance ne se démentait pas lorsqu’il fallait leur trouver un conjoint et leur assurer un mariage décent.
Un principe pédagogique fondamental inspiré à Reb Ber’l par des lettres reçues du Rabbi et qu’il livra à ses professeurs consistait à maintenir des rapports affables avec les élèves et d’éviter de les renvoyer. Il s’agissait même de donner des responsabilités aux élèves dissipées afin de les inciter à se remettre en question et à s’améliorer.
Cette savante alchimie de douceur, d’érudition et de bienveillance imprégnèrent Beth Rivka jusqu’à ce jour, d’un esprit qui fit dire un jour au député-maire de Yerres dans l'Essonne qu’il eût aimé voir de nombreuses institutions républicaines éducatives comme celle-ci.*
Schlomoh Brodowicz
*Aujourd'hui Beth Rivkah inspirée par le magnifique exemple de Rav Gurevitch zts'l, est un réseau de plusieurs structures éducatives réunissant prés de 700 élèves.
Les condoléances peuvent être adressée à la famille : nichum.gurevitch@gmail.com.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire