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mercredi 17 septembre 2008

18 Elloul : Voyage à Medziboz, village du Baal Chem Tov




Russie - Medziboz
Jeudi, 18 Septembre 2008 09:53

Rabbi Israël Baal Chem Tov IIILes années révélées (fr.chabad.org)
L'histoire du 'Hassidisme commença le 18 Eloul 5494 (septembre 1734), date à laquelle Rabbi Israël Baal Chem Tov accepta d'assumer la charge de diffuser cet éclairage nouveau du judaïsme qu'allait constituer la tradition 'hassidique. Pendant les dix années qui précédèrent, le Baal Chem Tov avait déjà préparé le chemin, mais de façon secrète, avec la collaboration des justes cachés1 qui parcoururent villes et villages d'Europe Centrale et de l'Est pour poser les jalons de son action future.
L'histoire du Baal Chem Tov et de ses disciples est surtout connue à travers les innombrables récits transmis de génération en génération dans le monde hassidique. Ces récits racontent les miracles et les prodiges que le fondateur du 'Hassidisme accomplit avant et après sa révélation. Bien que les miracles fassent partie intégrante de l'histoire du judaïsme et de ses maîtres, ceux de Rabbi Israël Baal Chem Tov, au sein même de l'univers hassidique, se distinguent par leur dimension exceptionnelle.
Le caractère miraculeux des actions du Baal Chem Tov n'est cependant qu'une facette de son œuvre. Les autres aspects se retrouvent dans un certain nombre de données historiques qui nous ont été rapportées par les maîtres du 'Hassidisme .
Bien que le 'Hassidisme ait souvent été présenté comme un mouvement social, réhabilitant les couches les plus modestes de la société juive, l'action menée par le Baal Chem Tov envers les Juifs érudits ne fut pas moins salutaire et fondamentale.
Ceux qui, grâce à leurs moyens intellectuels et financiers, avaient eu accès à la connaissance, s'étaient peu à peu érigés en une véritable caste. Leur éthique était principalement fondée sur le niveau d'érudition qui leur conférait le titre de talmid hakham et leur octroyait le droit de dédaigner le petit peuple, les ameï haaretz. Ces derniers, au contraire, devaient leur témoigner le plus grand respect.
Dans ce contexte, l'enseignement du Baal Chem Tov, fondé sur l'ésotérisme, apportait aux érudits une juste vision du monde dans laquelle chaque être avait une place, où un service divin sincère, voire spontané, primait sur les valeurs purement intellectuelles. La connaissance des textes devenait alors la clé d'une éthique fondée sur une profonde humilité et un véritable amour du prochain. Aimer son prochain, disait le Baal Chem Tov, c'est se sentir concerné même par celui que l'on ne connaît pas.
Ceux des érudits qui recherchaient un lien avec leur Créateur s'étaient tournés vers les livres de Moussar, morale juive qui prônait la négation de toute valeur matérielle. En particulier, le corps devait être soumis à force jeûnes et mortifications afin de briser ses désirs qui constituent une entrave à l'expression de l'âme.
Là aussi, le 'Hassidisme , pour lequel la joie est une composante fondamentale, apporta une optique nouvelle. Si D.ieu a créé un monde physique, c'est pour que l'homme l'utilise dans son service divin. En particulier, le corps, que le Baal Chem Tov compare à un âne qui ploie sous le fardeau des commandements qu'on lui impose, ne doit pas être brisé, mais éduqué de façon à ce que lui aussi puisse ressentir les bienfaits et la nécessité du service divin. Plus généralement, pour le Baal Chem Tov, aucun élément de la Création n'était laissé au hasard. Même les circonvolutions d'une feuille lorsqu'elle tombe de son arbre procèdent de la volonté divine. Dans une telle optique, la matière et le corps ont un rôle bien précis vers lequel l'homme se doit de les conduire.
Par cette éthique, qui ne faisait que remettre à l'honneur les vraies valeurs du judaïsme, le Baal Chem Tov conquit les cœurs d'un grand nombre d'érudits. Son enseignement fut diffusé de proche en proche par ses disciples, de façon cachée dans un premier temps, puis au grand jour. Devenus ses disciples, les érudits mirent leurs qualités et leurs connaissances au service de ceux qui, pendant trop longtemps, avaient été mis au ban de la société juive et qui étaient au bord du découragement.
Les efforts développés, depuis l'année 17202, sous la direction du Baal Chem Tov, par ses condisciples, les justes cachés, pour ramener les Juifs les plus pauvres vers les activités agricoles avaient, en 1734, largement porté leurs fruits. Ces efforts menés secrètement jusqu'alors, furent intensifiés par le Baal Chem Tov, alors installé à Medziboz en Podolie. Celui-ci fonda un certain nombre de communautés dont il confia la responsabilité à ses disciples. Quelquefois, ses disciples eux-mêmes organisèrent des communautés là où ils se trouvaient.
Outre l'action sociale développée dans ces communautés dont le but était la reconversion économique des Juifs déshérités, une action éducative intense était menée envers ces Juifs que les épreuves et les difficultés avaient souvent privés des connaissances les plus élémentaires du judaïsme.
Chez ces Juifs simples, le Baal Chem Tov avait mis en valeur une ferveur et une spontanéité qui étaient interprétées jusqu'alors par les érudits comme de la candeur naïve voire de la sottise. Le ton des discours des disciples du Baal Chem Tov tranchait avec celui classiquement employé par les Maguidim, prédicateurs itinérants envoyés par le Vaad Arba Artsoth3, qui mettaient un point d'honneur à briser les cœurs de ces pauvres gens en leur reprochant leur ignorance et en mettant l'accent sur les fautes et les châtiments que cette ignorance entraînait. Ils exploitaient, entre autres, les souffrances que venait de traverser le peuple juif4 pour culpabiliser et terroriser les masses populaires. Les responsables communautaires délégués par le Baal Chem Tov insistaient au contraire sur l'immense potentiel que chacun possédait et sur la façon de l'utiliser au mieux, redonnant ainsi courage aux plus déshérités.


En 1740, le Baal Chem Tov se trouve déjà entouré d'un réseau structuré de disciples d'une haute moralité, mettant leur grande érudition au service du peuple avec un dévouement sans limites et dont l'action avait apporté un nouveau souffle aux communautés de Podolie et des régions avoisinantes. Cette action de réhabilitation se développa et s'étendit, avec le temps, jusqu'en Lituanie, fief de l'érudition élitiste.
Outre leur rôle communautaire, les disciples du Baal Chem Tov étaient quelquefois appelés à se déplacer pour une mission précise en un lieu donné. Le Baal Chem Tov effectua lui-même de nombreux voyages. Ses déplacements étaient en général effectués pour l'une des raisons suivantes :
– Racheter des prisonniers juifs, souvent mis au cachot par les seigneurs locaux auxquels ils étaient redevables de loyers pour les concessions que les seigneurs leur permettaient d'exploiter.
– Éveiller chez les Juifs le désir d'étudier et l'amour du prochain.
– Diffuser la pensée et l'éthique hassidique auprès des érudits.
Ainsi, le Baal Chem Tov avait rendu visite à la plupart des grands centres talmudiques d'Europe Centrale de l'époque. Il avait rencontré leurs maîtres ainsi que leurs étudiants les plus remarquables afin de leur faire connaître l'école de pensée hassidique. On sait que le Baal Chem Tov s'est rendu, entre autres, dans les villes de Brisk, Slotsk, Pinsk, Minsk et Smargon alors réputées pour leurs académies talmudiques.
Naturellement, cette nouvelle éthique, par son aspect ésotérique, ne pouvait laisser insensible le monde juif. On regarda d'abord le mouvement hassidique avec méfiance, croyant qu'il s'agissait à nouveau d'un faux messianisme. Les communautés juives d'Europe étaient encore sous l'effet du traumatisme de la catastrophe provoquée par le faux messie Jacob Frank5 et ses adeptes qui s'étaient finalement convertis au christianisme. Et même si le Baal Chem Tov et ses disciples avaient eu de vives controverses avec ces derniers, qui étaient devenus leurs ennemis jurés, le fait que les doctrines de Chabbataï Tsvi6 et Jacob Frank prétendaient être fondées sur la Kabbale favorisa l'amalgame avec le 'Hassidisme. Ces craintes développèrent une vive opposition au mouvement hassidique qui se perpétua tout au long de son histoire.
Cette opposition prit un caractère plus institutionnel à travers le Vaad Arba Artsoth qui, voyant que le mouvement hassidique lui faisait ombrage, envoya une délégation de trois érudits pour sommer Rabbi Israël Baal Chem Tov de cesser son activité qu'il jugeait subversive. En cas de refus, ceux-ci devaient le menacer de l'exclure de la communauté voire de proclamer publiquement son excommunication et celle de ses disciples.
Le Baal Chem Tov reçut la délégation chaleureusement. Il aborda avec eux de textes talmudiques en avançant des arguments d'une étonnante profondeur. Ces trois érudits durent alors admettre qu'ils se trouvaient en présence d'un véritable maître du judaïsme dont les connaissances s'étendaient du Talmud aux textes kabbalistiques les plus ardus et qu'il serait difficile de convaincre.
Durant deux jours et deux nuits, ils discutèrent avec le Baal Chem Tov, le questionnant sur tous les détails de son enseignement. Le Baal Chem Tov répondit avec précision sur tous les points et bien qu'ils fussent convaincus par ses réponses, il leur proposa de mener un pareil débat avec les responsables du Vaad Arba Artsoth qui pourraient alors le juger. Il reprocha aux émissaires d'avoir été condamné par leurs dirigeants sans que ceux-ci ne lui laissent la possibilité de se défendre. Ces derniers, affirma-t-il, avaient ainsi transgressé l'injonction de la Thora « Vous entendrez les litiges de vos frères et jugerez avec droiture7 » ainsi que toutes les lois déduites par les Sages à propos de la justice.
Selon la tradition, le Baal Chem Tov leur expliqua qu'il existait deux niveaux de l'étude des textes : l'étude par l'intellect et celle réalisée avec les sentiments.
« Vous, qui êtes de grands érudits, ajouta-t-il, vous appréhendez les textes de façon uniquement intellectuelle. Quant à moi, je suis venu révéler la dimension émotionnelle de la connaissance. »
À titre d'exemple, il leur expliqua le verset qu'il venait de citer à la lumière de l'enseignement hassidique.
Lorsque les émissaires constatèrent la détermination du Baal Chem Tov, ils lui demandèrent en quoi résidait sa grandeur, puisqu'il n'avait que soixante disciples érudits alors que les écoles talmudiques dirigées par le Vaad Arba Artsoth comptaient des milliers d'étudiants.
Le Baal Chem Tov répondit à cette dernière question par une parabole :
« Il existe deux points de vue chez les agriculteurs : certains cultivent leur champ et leur vigne de façon extensive, sûrs du bénéfice que leur procurera leur production abondante. D'autres ne sèment que quelques rangées de blé et de vigne, mais ils leur portent toute leur attention. Les premiers obtiennent une récolte abondante, mais dont la majorité est véreuse et dans laquelle la quantité de son dépasse celle du blé, ce qui fournit peu de farine dont la fleur est absente. De plus, lorsqu'on replante les graines de cette production, celles-ci donnent des fruits avariés. Les seconds, quant à eux, récoltent peu, mais leurs récoltes produisent en majorité de la fleur de farine et des vins d'une grande finesse et lorsqu'on replante les graines d'une telle production, elles engendrent des fruits de qualité qui donneront eux-mêmes des fruits qui leur ressemblent... »
L'opposition au mouvement hassidique se développa aussi dans une autre direction. En effet, comme nous le savons, l'école hassidique est fortement enracinée dans la Kabbale et l'ésotérisme juif en général. Or, alors que la Kabbale avait été mal accueillie, puis combattue dans le monde ashkénaze, celle-ci avait été largement diffusée dans le monde séfarade dont les coutumes s'étaient fortement inspirées de son enseignement.
L'école hassidique, elle aussi, introduisit un certain nombre de coutumes fondées sur la Kabbale qui bouleversaient le mode de vie traditionnel des communautés ashkénazes. En particulier, les textes de la prière furent modifiés pour tenir compte de leur sens ésotérique, se rapprochant ainsi du rituel séfarade. Naturellement, tous ces changements ne laissèrent pas indifférents les érudits qui accusèrent les 'Hassidim d'abandonner leurs coutumes ancestrales.
Le comportement de l'école hassidique trouvait sa justification dans la Kabbale lourianique8 qui affirme que l'ésotérisme et son éthique devaient être largement diffusés dans les temps pré-messianiques.
Malgré cette opposition, Rabbi Israël Baal Chem Tov poursuivit son action avec ténacité. Son influence et sa renommée allèrent croissant, atteignant toutes les couches sociales d'Europe Centrale. De partout, on venait lui rendre visite à Medziboz, pour demander une bénédiction, pour sortir d'une situation désespérée ou tout simplement pour voir de près ce maître dont les actions semblaient relever du domaine de l'irréel.


L'importance historique de l'action du Baal Chem Tov lui fut confirmée le jour du Nouvel An juif de l'année 5507 (1747), comme il l'a relaté à son beau-frère, Rabbi Guerchon de Kitov dans une missive :
« ... J'ai réalisé une ascension de mon âme9, comme cela t'est connu, et j'ai été témoin de scènes extraordinaires que je n'avais jamais vues jusqu'ici... Je suis monté de niveau en niveau jusqu'à la sphère du Messie. Là, il apprenait avec les maîtres du Talmud, les justes et les sept bergers du peuple juif10. Une très grande joie dont je ne connaissais pas la cause régnait parmi eux. Je pensais alors que cette joie provenait du fait de mon décès11 — à D.ieu ne plaise —, mais je sus par la suite que j'étais toujours vivant, car les processus spirituels que je provoquais à l'aide de leurs enseignements leur procuraient une grande satisfaction. Toutefois, je ne pus jamais savoir la raison de leur joie.
Je demandai au Messie : « Quand venez-vous, Maître ? »12 Il me répondit : « Tu le sauras ainsi : Lorsque ton enseignement se diffusera et se révélera dans le monde et que tes sources, qui consistent en ce que je t'ai enseigné et que tu as compris, se répandront au dehors... »
Cette réponse du Messie au Baal Chem Tov, qui atteste de la relation entre son enseignement et l'avènement des temps messianiques, a été, depuis lors, pour le mouvement hassidique, un véritable manifeste du caractère universel de sa portée. Répandre les sources au dehors signifie, pour le 'Hassidisme , amener ses enseignements jusqu'aux niveaux les plus éloignés du judaïsme, à ceux qui situent en dehors de toute démarche religieuse.
Ce message est resté, jusqu'à nos jours, l'héritage spirituel du Baal Chem Tov qui quitta ce monde le 6 Sivan 5520 (1760), laissant derrière lui un mouvement structuré qui a su traverser l'histoire jusqu'à nous.
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