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mardi 16 mars 2010

La Matsah était encore chaude.

La Matsah était encore chaude.
Extrait de "La Maison Juive", n°18, Adar 5748.

Dans l'ancienne ville de Mayence, vivait autrefois un grand savant dans la Torah dont le nom était Rabbi Amnon. Il avait un fils, Eliézer qu'il éleva dans l'étude de la Torah et la piété. Quand vint le moment pour Rabbi Amnon de quitter cette vie, une des dernières recommandations qu'il fit à son fils fut: "Ne traverse jamais le Danube !"
Eliézer ne perdit pas seulement son père, mais aussi son maître. Il voulait ardemment partir à la recherche d'un endroit de Torah. Son père avait un cousin lointain, le célèbre Rabbi Yéhouda Ha'hassid qui dirigeait la fameuse Yéchivah de Regensbourg (Ratisbonne). Cependant, non seulement cette ville était très éloignée, mais en plus, pour y parvenir il devrait traverser le Danube. Pendant des jours et des semaines, Eliézer ne sut que faire: s'y rendre ou rester chez lui. L'aspiration à étudier la Torah et les secrets de la lumière intérieure de la Torah, pour lesquels Rabbi Yéhouda Ha'hassid était si réputé, grandit de plus en plus à tel point... qu'il décida de s'y rendre.
Eliézer avait une jeune femme et un enfant et il se préparait à les quitter un bon moment pour étancher sa soif de Torah. Sachant à quel point il désirait voyager, sa femme accepta son départ. Ainsi Eliézer fit-il ses adieux à sa femme et son enfant et d'un cœur plein d'impatience se mit-il en route pour un long périple jusqu'à Regensbourg.
Quand finalement Rabbi Eliézer apparut devant Rabbi Yéhouda Ha'hassid, le sage saint lui dit : "Je ne devrais pas t'accueillir, puisque tu as désobéi à l'ordre de ton père. Mais par amour pour ton défunt père, je te permets de rester dans ma Yéchivah. Ne perds pas de temps ".
Eliézer avait peur. Il n'avait pas parlé au Rabbi de l'avertissement de son père. Comment le connaissait-il. L'esprit de prophétie reposait certainement sur ce saint homme. Cela rendit Eliézer encore plus empressé que jamais de recevoir une instruction personnelle de son nouveau maître. Les gens disaient de Rabbi Yéhouda que le Prophète Elie lui rendait régulièrement visite et lui révélait de nombreux secrets de la Torah. Combien il désirait se rendre digne de l'attention personnelle de Rabbi Yéhouda! Mais les jours et les semaines passaient et le saint maître n'invitait pas Eliézer dans son bureau. Le jeune Eliézer s'appliquait avec dévotion et diligence à ses études à la Yéchivah, mais son espoir de devenir un des disciples de Rabbi Yéhouda s'affaiblit. Le mois de Nissan arriva et Pessa'h devait avoir lieu deux semaines plus tard. Eliézer commença à penser à sa femme et son enfant et combien ils lui manqueraient durant la fête et tout particulièrement les deux soirs du Séder. Combien il aurait aimé revenir chez lui!
Erev Pessa'h arriva et au matin de ce jour, il reçut tout à coup l'ordre d'apparaître devant le maître. Le cœur battant, Eliézer pénétra dans le bureau de Rabbi Yéhouda Ha'hassid, lieu que ses disciples avaient coutume d'appeler "le Saint des Saints".
"Tu es triste de ne pas être avec ta famille aujourd'hui" lui dit Rabbin Yéhouda.
Réjouis-toi, tu vas partager la table du Séder avec ta femme et ton enfant. Mais, viens, nous devons d'abord nous rendre au four pour confectionner notre Matsah Chmourah.
Eliézer resta sans voix. Mayence était bien loin et c'était la veille de Pessa'h. Comment pourrait-il y parvenir pour le Séder ? De plus, ils allaient passer une bonne partie de la journée à la boulangerie! Mais le Saint Maître n'avait certainement pas l'habitude de faire des plaisanteries. Eliézer ne dit pas un mot. Il était heureux d'avoir été invité à se joindre au Saint Maître, à la boulangerie. Venir à Regensbourg que pour cela aurait déjà été suffisant :observer le Maître surveiller la cuisson des Matsot et y participer avec lui!
Au moment où ils arrivèrent à la boulangerie et s'occupèrent des Matsot, toutes pensées, de doute ou de tristesse s'évanouirent de l'esprit d'Eliézer. Son cœur était rempli de la grande joie de la Mitsvah de faire des Matsot pour la sainte fête de Pessa'h. Cette excitation. cette joie et cette inspiration, ils ne les oublieraient jamais. Quand les dernières Matsot furent sorties du four, Rabbi Yéhouda en prit six et les enveloppa dans un linge blanc. " Prends ces Matsot chaudes avec toi, trois pour chaque Séder que tu célébreras chez toi, avec l'aide de D.ieu. Et voici encore six autres Matsot que tu apporteras, s'il te plaît, au Rav de Mayence, avec cette lettre. Maintenant, allons. Je vais t'accompagner aux faubourgs de la ville"
Avant de prendre congé de son disciple, Rabbi Yéhouda dit à Eliézer : " Je sais que tu es très déçu parce que tu n'as pas appris de moi les connaissances secrètes que tu espérais acquérir. Toutefois, ta dévotion et ton assiduité dans les études de la Torah et ta conduite générale qui sied au meilleur de mes disciples, t'ont bien aidé à réparer ton erreur. Le temps est venu de te récompenser ".Et prononçant ces mots, Rabbi Yéhouda Ha'hassid écrivit un mot dans le sable avec son bâton. "Lis " dit-il à son disciple. Eliézer lut et sentit tout à coup son esprit s'illuminer d'un éclat resplendissant de connaissance divine. Rabbi Yéhouda effaça alors le mot et Eliézer sentit la lumière disparaître, laissant un terrible vide. Sa tête s'emplit d'une douleur terrible qui fit jaillir des larmes de ses yeux. A nouveau le Saint Maître écrivit le mot et quand Eliézer l'eut lu, il l'effaça. Eliézer supplia son maître d'ouvrir son cœur et son esprit une fois pour toute. Alors Rabbi Yéhouda écrivit le mot pour la troisième fois. Eliézer se jeta sur le sol et commença à lécher le mot, le sable et tout. Rabbi Yéhouda sourit : "Si tu conserves cette faim et cette soif pour la Torah, tu trouveras les portes de la connaissance et de la sagesse de D.ieu, ouvertes pour toi!"
Heureux et élevé, Eliézer commença son voyage. Il se sentait comme dans un rêve. Il était en transes. Quand il ouvrit ses yeux, il se retrouva aux portes de sa ville natale, Mayence. Quelques instants plus tard, il était chez lui, heureux de trouver sa femme et son enfant en bonne santé et terriblement excités par l'heureuse surprise. Le soleil commençant seulement à disparaître à l'ouest quand Eliézer se pressa chez le Rav de Mayence. Le Rav ouvrit la lettre et la stupeur apparut sur son visage.
"Cette lettre porte la date de la nuit dernière... " dit-il avec étonnement. "Quand as-tu quitté Regensbourg?"
"Je ne peux que dire que très tôt ce matin, le saint Rabbi Yéhouda m'a emmené cuire des Matsot. Voilà, il vous envoie aussi de la Matsah Chmourah"
La stupeur du Rav grandit lorsqu'il sentit la chaleur des Matsot, comme si elles venaient de sortir du four.
Cette nuit-là, lorsqu'Eliézer s'assit au Séder et mangea le premier morceau de la Matsah qu'il avait cuite avec son Saint Maître, il sentit une inspiration qu'il n'avait jamais connue plus tôt, le sens de l'accomplissement spirituel d'une mission exécutée avec succès.

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