Adapté des enseignements du Rabbi de Loubavitch (fr.chabad.org)
Nous connaissons tous la façon dont agit la mère de Moïse pour sauver son fils du décret du Pharaon qui ordonnait de jeter tous les nouveaux-nés mâles dans le Nil. Elle plaça le bébé de trois mois dans une corbeille et le cacha dans les roseaux qui poussaient le long de la rive du fleuve. La fille du Pharaon découvrit l’enfant qui pleurait quand elle alla se baigner, elle le prit et l’éleva au palais royal.
Un détail de cette histoire prête cependant à confusion. A quel endroit exactement fut placée la corbeille de Moïse ? Dans le récit qu’en fait la Torah, nous lisons « Et elle le plaça dans les roseaux, sur la rive du fleuve. »1 D’après cela, Moïse ne fut pas placé dans le Nil lui-même, mais sur sa rive.2 Or quelques versets plus loin, la Torah nous dit que la fille de Pharaon nomma l’enfant qu’elle avait trouvé « Moïse » (« tiré ») « parce que je l’ai tiré de l’eau. »3
La Torah est le plan divin pour la Création, dont chaque détail revêt une signification éternelle pour notre vie. Si la Torah nous dit que la mère de Moïse le plaça sur la rive du fleuve, cela signifie qu’elle n’a pu le mettre dans le Nil lui-même. Et si, par la suite, la Torah nous dit que la fille du Pharaon le prit dans les eaux de la rivière, cela signifie qu’il était capital qu’il soit dans la rivière à ce moment précis. Enfin si la Torah prend la peine de nous relater tout cela, cela signifie que c’est important pour notre compréhension des faits et leur application dans notre vie, aujourd’hui. (Lire la suite) Purger le Nil
Le Gaon de Ragatchov (Rabbi Yossef Rosen, 1858-1936) offre une explication halakhique (c’est-à-dire, selon la loi de la Torah) pour le changement de localisation de la corbeille. La mère de Moïse ne pouvait pas l’avoir initialement mis dans le Nil parce que les Égyptiens adoraient le fleuve comme dieu, et il est interdit de se servir de quelque chose auquel est voué un culte idolâtre même s’il s’agit de sauver sa vie.4 Néanmoins, la loi de la Torah stipule aussi que si un idolâtre renie son idole, celle-ci est « annulée » et peut dès lors être utilisée.5 Nos Sages nous disent que la fille du Pharaon « descendit à la rivière pour s’y baigner »6 non seulement dans un geste physique, mais également « pour se nettoyer des idoles de son père ».7 Son renoncement au paganisme de l’Égypte annula le statut d’idole du fleuve et ses eaux purent donc désormais recevoir et abriter Moïse. C’est à ce moment que la corbeille de Moïse pénétra dans le Nil.8
Mais pourquoi était-il important que Moïse soit dans le Nil ? Le Midrach nous relate que les astrologues du Pharaon lui avaient prédit que « le libérateur d’Israël trouvera sa fin par l’eau », ce qui fut la raison pour laquelle il décréta que tous les nouveaux-nés mâles soient jetés dans le Nil. Quand Moïse fut dans le Nil, les astrologues dirent à Pharaon, « Le libérateur des Juifs a déjà été jeté au fleuve. » C’est ainsi que l’entrée de Moïse dans le fleuve mit un terme au décret de Pharaon.9 Le culte du fleuve
Il pleut très peu sur l’Égypte. L’agriculture dépend entièrement du Nil dont les crues alimentent un réseau de canaux d’irrigation. C’est pourquoi les anciens Égyptiens déifièrent le Nil, le tenant pour la source suprême de subsistance et le dispensateur de la vie.
C’était là le sens profond du décret d’y noyer les enfants juifs. Le Pharaon savait que si la prochaine génération de Juifs était submergée dans le culte égyptien du Nil – s’ils étaient élevés de telle façon qu’ils considèrent les pourvoyeurs naturels de subsistance comme des dieux – la foi juive disparaîtrait. L’idée d’un D.ieu unique, Créateur et Source de toute chose, qui menaçait si dangereusement son oligarchie païenne, serait définitivement oblitérée.
On peut affirmer que le culte du Nil est aussi répandu aujourd’hui qu’il l’était dans l’Égypte des pharaons. Aujourd’hui le « Nil » peut être un diplôme universitaire, une carrière, un statut social – tout ce qui peut être vénéré comme source de subsistance et de vie. Ce sont bien des moyens de subsistance, de même que le Nil est l’instrument D.ieu pour subvenir aux besoins de ceux qui résident sur ses rives. Mais quand le moyen est pris pour la source, quand une personne immerge tout son être dans le « Nil », investissant ses plus grands potentiels dans le perfectionnement de l’instrument plutôt que dans la culture de sa relation avec le divin maître de cet instrument, cela constitue de l’idolâtrie. Celui qui nourrit de foi
Moïse était le Raaya Méheimna, le « berger fidèle » d’Israël.10 Les mots Raaya Méheimna signifient aussi « berger de la foi », c'est-à-dire celui qui prodigue la foi à son troupeau.11 Le tout premier rôle de Moïse était de nourrir la foi de son peuple, de l’épanouir, de l’approfondir et de la développer de sorte qu’ils deviennent complètement imprégnés de la connaissance de D.ieu et de la conscience qu’« il n’est rien en dehors de Lui »12, que tous les « Nil » du monde ne sont pas des forces ou des réalités autonomes, mais seulement des véhicules pour la subsistance divine.
Moïse était âgé de quatre-vingts ans quand il fit sortir le peuple d’Israël d’Égypte, les conduisit au mont Sinaï et les amena à la connaissance divine ultime: la Torah. Mais il était déjà un « berger de la foi » à l’âge de trois mois, quand il permit de détrôner l’idole suprême de l’Égypte et de mettre fin au massacre des enfants juifs jetés dans ses eaux.
Basé sur les discours du Rabbi des Chabbat parachat Chémot de 5722 (1962) et 5723 (1963).13
NOTES 1. Exode 2, 3. 2. Voir Targoum Onkelos sur le verset. 3. Exode 2, 10 4. Michné Torah, Lois sur les principes fondamentaux de la Torah 5:6 ; voir Likoutei Si’hot, vol. 16, p. 13, note 9. 5. Michné Torah, Lois concernant l’idolâtrie 8:8. 6. Exode 2, 5. 7. Talmud Sotah 12b ; Midrache Rabbah sur le verset. 8. Tsafnat Paanea’h sur Exode 2, 3. 9. Midrache Rabbah Chémot 1:24. La véritable signification de ce que les astrologues avaient vu était qu’il serait décrété que Moïse mourrait dans le désert suite à l’épisode des "eaux de la discorde", comme il est relaté dans Nombres 20, 1-13. 10. Zohar ‘Hadach 104a et al. 11. Tanya, chapitre 42. 12. Deutéronome 4, 35. 13. Likoutei Si’hot vol. 16, pp. 13-19. |
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