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La quête de soi
« Va vers toi », dit D.ieu à Abraham...
Adapté des enseignements du Rabbi de Loubavitch par Yanki Tauber
Dans le livre de Zacharie, il y a un passage qui décrit la rencontre entre un être humain et une armée d’anges. L’homme y est défini comme « un voyageur parmi les sédentaires. »
« Le Voyageur » est une appellation plus qu’appropriée pour notre espèce remuante. D’autres créatures se déplacent également de lieu en lieu, mais seules les migrations de l’homme sont motivées par le désir d’être ailleurs que là où il se trouve. Contrairement aux souris, aux érables et aux anges, qui sont heureux d’être ce qu’ils sont et où ils sont, l’être humain est constamment en mouvement, toujours à chercher à se rendre quelque part, de préférence là où personne n’est encore allé.
Le problème, c’est qu’il ne reste nulle part où aller.
Il y a cent ans, c’était la ruée vers l’Ouest. Alors, les jeunes allèrent vers l’ouest, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’ouest. Alors un homme gagna la course vers le Pôle Nord, et un autre vers le Pôle Sud. Un autre être humain fut le premier à atteindre le sommet de l’Everest (bien que l’identité du premier fasse encore débat à ce jour), et puis un autre fit le « pas de géant » qui laissa la première empreinte de botte sur la lune.
Alors, que nous reste-t-il ? Un voyage vers une autre galaxie ? Une incursion dans le futur ? Ces destinations, si toutefois elles sont jamais atteintes, satisferont-elles la curiosité du Voyageur ?
Nous avons tous entendu l’histoire du pauvre villageois qui avait rêvé qu’un trésor était enfoui sous un pont à Cracovie. Arrivé dans la grande ville, il reconnait le pont de son rêve. Le préposé au péage du pont, remarquant un rôdeur avec une pelle et des intentions suspectes, prend le pauvre à partie, qui avoue la raison de sa présence. « Des rêves ! » s’exclama le gardien ironiquement. « Tiens, la nuit dernière justement, j’ai rêvé que dans la maison de ‘Haïm Yankel le colporteur, du village d’Usseldorf, un coffre de pièces d’or était enterré sous le mur derrière le fourneau. Est-ce que je vais voyager jusqu’à Usseldorf pour briser le mur d’un pauvre péquenaud ? » ‘Haïm Yankel se précipita chez lui, démolit le mur derrière son fourneau de sa maison et vécut heureux de longues années grâce à son trésor caché.
Une fois que tous les voyages ont été achevés, que toutes les quêtes ont été réalisées, il reste encore une frontière que peu de gens ont traversée, un territoire que moins de gens encore ont conquis : la frontière de soi. Nous parcourons le monde, et au-delà, nous cartographions l’univers et la structure de l’atome, en quête d’indications, d’un signe, sur le sens des choses, mais combien parmi nous ont-ils pénétré à l’intérieur de nos âmes ?
Lékh Lékha, ces mots qui débutent l’appel de D.ieu à Abraham qui mit en route et définit l’histoire juive, signifie littéralement « Va vers toi ». «Va vers toi, ordonna D.ieu au premier Juif, de ta terre, de ton pays natal et de la maison de ton père, vers la terre que Je te désignerai. »
Quand l’appel divin résonna, Abraham pouvait se prévaloir d’une vie de découvertes et d’accomplissements sans précédent. Il était l’homme qui avait découvert la vérité du D.ieu Unique, celui qui avait affronté le roi le plus puissant de son temps, bravé la mort dans une fournaise ardente au nom de ses croyances et converti des milliers de gens à la foi et aux valeurs monothéistes. Tout cela, il y était arrivé entièrement par lui-même, sans maître, guide ou voix divine pour le diriger, avec rien d’autre que son immense esprit et sa quête passionnée de la vérité pour le conduire.
Et puis, dans sa soixante-quinzième année, survint le commandement divin : « Va vers toi-même ! » Maintenant que tu as achevé tes explorations et atteint tes objectifs, tourne-toi vers l’intérieur et entame un voyage dans l’essence de ton propre être.
Paradoxalement, plus notre voyage est personnel, plus nous avons besoin d’être guidés et aidés.
Un bon sens de l’orientation peut nous guider à travers le circuit routier le plus labyrinthien ; un sens aigu des relations humaines nous permet d’appliquer les politiques de management les plus tortueuses ; les données et les systèmes cognitifs stockés dans notre cerveau facilitent notre recherche de nouveaux domaines d’études. Mais si nous cherchons une voie vers le centre de nous-mêmes, le savoir et les aptitudes d’une vie entière se révèlent soudain inefficaces. Nous nous retrouvons dans l’obscurité, n’ayant pour seul recours que d’invoquer notre Créateur : « D.ieu, qui suis-je ? », crions-nous. « Donne-moi un indice. Dis-moi pourquoi Tu m’as fait ! »
Ce paradoxe est implicite dans la première directive au premier Juif mentionnée dans la Torah. Quand il est ordonné à Abraham « Va vers toi-même », il est enjoint à cet homme ingénieux, artisan de sa propre réussite, de mettre de côté ses talents innés (« ta terre »), la personnalité qu’il a développée pendant sept décennies et demie d’interaction avec son environnement (« ton pays natal ») et la sagesse découverte et formulée par son esprit phénoménal (« la maison de ton père ») et de suivre « aveuglément » D.ieu « vers la terre que Je te désignerai ».
Dans nos voyages extérieurs, notre savoir, nos talents et notre personnalité sont les instruments de notre exploration du monde autour de nous. Mais dans la quête de notre véritable soi, ces mêmes instruments – qui constituent en eux-mêmes un « soi » extérieur et superposé à notre essence – dissimulent autant qu’ils révèlent, déforment alors même qu’ils éclaircissent.
Nous utilisons ces instruments dans notre quête – nous n’en avons pas d’autres. Mais si notre voyage doit nous conduire à l’essence de nous-mêmes plutôt que vers un mirage, il doit être guidé par Celui qui nous a créés à Son image et a inscrit le schéma de nos âmes dans Sa Torah.
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